Qu’est-ce que la faute inexcusable de l’employeur ?

En matière de maladies professionnelles et d’accidents du travail, l’employeur est soumis, depuis 2002, à une obligation de sécurité de résultat à l’égard de son salarié. Il doit ainsi veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés en mettant en place des actions de prévention et en évaluant les risques auxquels ils sont exposés, en respectant les dispositions prévues par le Code du travail en matière d’hygiène et de sécurité des salariés. 

Le manquement à cette obligation de sécurité de résultat constitue une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

L’appréciation de la conscience du danger implique de caractériser la connaissance par l’employeur du risque qu’il faisait courir au salarié et s’apprécie notamment, par rapport à la nature de l’activité du salarié et du non-respect des règles de sécurité en vigueur dans la profession. 

Selon la Cour de cassation, il n’est pas nécessaire que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire, pour que la responsabilité de l’employeur puisse être engagée.

La jurisprudence a pour exemple jugé que constitue une faute inexcusable de l’employeur  :

  • l’inadéquation entre la qualification et les fonctions du salarié ; 
  • l’utilisation d’une substance dangereuse sans respect des consignes de sécurité (comme par exemple l’amiante) ;
  • la mise à disposition de matériels sans le dispositif de sécurité ;
  • l’employeur qui met en circulation un poids lourd présentant des défauts de freinage et de pneumatiques ;
  • la connaissance par l’employeur des troubles musculo-squelettiques du salarié, sans proposition d’aménagement du poste ou de proposition d’un autre poste, alors que le poste consiste dans des travaux répétitifs.

Récemment, la Cour de cassation a retenu que l’employeur commet une faute inexcusable, lorsque les mesures de protection qu’il a mis en œuvre se révèlent inefficaces.

La charge de la preuve de la faute inexcusable 

D’après une jurisprudence constante, la charge de la preuve de la faute inexcusable de l’employeur incombe, en principe, au salarié. Ce dernier doit démontrer que son employeur, qui aurait dû avoir connaissance du danger auquel son salarié était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter. 

Toutefois, le Code du travail établit une présomption simple de faute inexcusable de l’employeur pour les salariés en contrat de travail à durée déterminée (CDD) et les salariés intérimaires qui sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, dès lors qu’ils n’ont pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par la loi. 

En outre, la faute inexcusable est automatiquement caractérisée lorsque le risque, qui s’est réalisé, a été signalé à l’employeur soit par le salarié qui en a été victime, soit par un représentant du personnel au comité social et économique.

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur 

L’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est ouverte aux salariés victimes ainsi qu’à leurs ayants-droit, si les victimes sont décédées.

La procédure commence le plus souvent, par une tentative de conciliation entre le salarié victime et l’employeur devant la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Cette procédure de conciliation est néanmoins facultative.

Trois solutions sont possibles :

  • aucune des parties ne se déplace à la réunion, la caisse établira un procès-verbal de carence  ;
  • toutes les parties sont présentes mais aucun accord ne se dégage, la caisse établira un procès-verbal de non conciliation  ;
  • toutes les parties sont présentes, l’employeur reconnaît le principe de la faute inexcusable, la caisse établira un procès-verbal de conciliation et les parties se retrouveront devant le juge pour la liquidation des préjudices.

En cas d’échec de la procédure de conciliation, le salarié victime peut saisir le pôle social du Tribunal judiciaire compétent.

La procédure devant le Tribunal se déroule en deux temps. Dans un premier temps, il statuera sur l’existence ou non d’une faute inexcusable de l’employeur et ordonnera, avant-dire droit, une expertise médicale. Après expertise, il statuera sur le montant des dommages et intérêts à allouer au salarié.

Le délai pour agir 

L’action se prescrit par deux ans à compter du plus récent des événements suivants :

  • pour les accidents du travail, à compter du jour de l’accident ou de la cessation du paiement de l’indemnité journalière ;
  • pour les maladies professionnelles, à compter de la date de la première constatation de la maladie par le médecin ou de la date de cessation du paiement de l’indemnité journalière.

Ce délai est interrompu par l’exercice d’une action pénale ou d’une action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

L’indemnisation du salarié 

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet au salarié victime d’obtenir une majoration à son maximum de la rente (ou de l’indemnité en capital) qui lui a été attribuée par la CPAM en raison des séquelles qu’il conserve suite à son accident de travail ou sa maladie professionnelle.

En outre, il peut demander devant le juge des dommages et intérêts au titre de :

  • la réparation des souffrances physiques et morales endurées ; 
  • la réparation du préjudice esthétique ; 
  • la réparation du préjudice d’agrément ; 
  • la réparation de la perte de chance de ses possibilités de promotion professionnelle.

Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du Code de la Sécurité sociale ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que la réparation de l’ensemble des préjudices non couverts soit demandée devant les juridictions compétentes. En d’autres termes, le salarié victime peut demander la réparation de tous les préjudices non couverts par la loi. 

Quelles sont les conséquences pour l’employeur ? 

Les conséquences financières et civiles de la faute inexcusable

Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, ce dernier devient responsable sur son patrimoine des conséquences de sa propre faute. La Caisse primaire d’assurance maladie, qui a fait l’avance des indemnités supplémentaires allouées aux salariés victimes, dispose d’un recours contre l’employeur.  En effet, c’est l’employeur qui est le débiteur final des sommes avancées. Il est alors tenu de rembourser les sommes avancées par la CPAM.

De plus, la Caisse d’assurance retraite et santé au travail imposera une cotisation supplémentaire à l’entreprise pour financer le fonds national de prévention  des accidents du travail et des maladies professionnelles. 

Les conséquences pénales de la faute inexcusable 

Lorsque l’entreprise est une personne morale, la responsabilité pénale sera engagée à deux niveaux : 

  • d’abord retenue à titre personnel à l’encontre du représentant légal ;
  • puis, à l’encontre de la société elle-même, dans la mesure où le chef d’entreprise engage la responsabilité de la société qu’il représente. 

Si la responsabilité pénale est engagée, l’employeur peut être condamné à titre personnel au versement d’une amende maximum de 75 000 euros et subir une peine de 5 ans d’emprisonnement.